Le prix du bonheur - le Muguet

C'est le 1er mai, le jour idéal, semble-t-il, pour rencontrer l'esprit du muguet. Une plante dont je me méfie instinctivement. Je me suis toujours demandé pourquoi une fleur reconnue comme un poison pouvait symboliser le bonheur. J'ai donc franchi le pas, le 1er mai en 2013.

Le contact est facile, le muguet répond vite à ma tentative de me connecter avec lui. Ou plutôt, avec elle. Car c'est une dame, vêtue de blanc, qui m'accueille dans son antre lumineuse. Elle a le visage entièrement maquillé de blanc et porte un long manteau au col démesurément haut. Son boudoir se résume à deux demi croissants de lune se rencontrant en leur sommet. "Oui, je symbolise le bonheur pour bon nombre d'humains mais il y a d'autres choses qu'il faut savoir".

Bien, lesquelles ? La dame du muguet tient quelque chose entre les mains.  Un bol plat et blanc, rempli de papillons. Elle m'invite à le tenir avec elle et à opérer des mouvements comme si on lançait vers le haut le liquide que le bol contient. Mais il n'y a pas de liquide dans ce bol. Juste un nuage de papillons qui suivent le mouvement du bol, apparaissant dans l'air, y dansant, puis retombant dans le récipient.

"Le bonheur est mouvement, il n'est pas éternel, il ne dure pas, mais il revient toujours". Et surtout, il n'est pas égoïste : les papillons, en effet, ne se dispersent pas, mais restent groupés. Le bonheur symbolisé par le muguet serait-il donc un bonheur fragile, fluide mais surtout, simplement, social ? Un bonheur partagé avec d'autres ? Aucun bonheur ne se vit seul.

La dame du muguet tire ensuite de son manteau une très longue épine noire au bout de laquelle se trouve une goutte de sang. La question fuse, inattendue : "Qu'es-tu prêt, toi, à sacrifier pour être heureux ?" La question me désarçonne et je ne sais quoi y répondre.  La dame ne s'en offusque pas. Le bonheur a un prix, semble-t-il. Il se mérite. Une idée qui perturbe l'idéaliste que je suis. Le muguet me conduit alors vers un dessin, celui d'un arbre. Un arbre dont le feuillage ressemble à celui du Ginkgo biloba. "Nous sommes plus proches, lui et moi, que tu ne l'imagines". A l'heure où j'écris ces lignes, j'ignore toujours pourquoi. Il faudra très probablement que je contacte un jour cet arbre ancêtre si intriguant.

Vient le moment de mettre un terme à cette rencontre. Traditionnellement, c'est l'instant où mon propre esprit offre un cadeau à celui de la plante. Ici, spontanément, je lui ai offert...un de mes cheveux...blancs.  Serait-ce donc tout ce que je pourrais sacrifier pour être heureux ? La vieillesse ? Etrange !