Le Médium - le Lilas
Selon la Bible des Fées, le parfum du lilas a le pouvoir de vous conduire dans vos souvenirs. Il réveille en vous les réminiscences d'amours vécus, traversés, disparus. Il permet même de se souvenir de certaines de nos vies antérieures. Le parfum du Lilas est fort. Il fait partie de sa médecine. Le rencontrer passe forcément par cette immersion. Oser traverser le parfum du lilas. Y rencontrer la moisson des souvenirs. La cueillir. La faire sienne. Admettre ce que l'on a déjà vécu. Se rappeler ce qui, en fait, avait déjà été compris, mais sans doute oublié.
En observant le Lilas, on constate plusieurs choses. D'abord, sa feuille est en forme de coeur, ce qui n'est pas un hasard. L'amour le concerne. Le Lilas aide à se souvenir qu'on a déjà aimé. Et de ce fait, qu'on peut aimer encore. Par ailleurs, si on en croit Penczak qui l'évoque dans son livre, « Gay witchcraft », il aurait le pouvoir de briser les charmes amoureux lancés pour lier deux personnes qui n'avaient pas à l'être. Seul l'amour véritable, consenti, libre, concerner cet arbuste-là, qui le défend de toutes ses feuilles.
L'écorce du Lilas se déchire facilement en lambeaux et appelle l'âme à ce travail de régénération.
Scott Cuningham explique son pouvoir de chasser les fantômes, de libérer les maisons hantées. On le plantait en Nouvelle Angleterre pour chasser le mal et les esprits malfaisants. Ce pouvoir là réside donc dans ses racines.
Par ailleurs, le Lilas a une polarité androgyne. En Grèce, il est la mère de Narcisse, ce jeune androgyne bien connu. L'alchimie perçoit la tige du lilas comme masculine et la fleur elle-même comme féminine. En Chine, il symbolise l'état intermédiaire entre le masculin et le féminin. La fleur du Lilas elle-même est en forme de croix, symbole de cette rencontre entre les deux polarités.
Le Lilas semble conduire son existence entre deux mondes : le passé et le présent, l'homme et la femme, la vie et la mort. Il n'appartient à aucun des deux mondes et marche de l'un à l'autre, y allant et en revenant. Sans cela, il ne pourrait reconduire les fantômes, ni aviver le souvenir. Il faut, forcément, qu'il puisse se rendre sur les terres du passé et celles de l'au-delà.
Au fantôme qui n'a pas quitté la terre, il demande de se libérer, d'accepter que le passé soit passé, qu'une autre vie l'attend. Au désespéré qui croit qu'il ne trouvera jamais l'amour, il rappelle qu'il a déjà aimé et donc qu'il peut aimer à nouveau. A chacun des deux sexes, il apprend à manifester l'autre sexe en lui.
Il est de multiples façons, lorsque l'on médite, de soutenir l'action du Lilas. Cela peut se faire par exemple en visualisant une porte au pied d'un lilas, par laquelle des fantômes pénètrent pour enfin joindre la lumière. Ou encore, en accrochant aux branches d'un lilas, la photo d'un chamane aux deux esprits, voire même d'un travesti. On peut aussi visualiser des feuilles de lilas sur le chakra du coeur, des racines aux pieds et des fleurs sur le pubis. On peut aussi se souvenir de toutes ces fois où, ayant perdu l'amour, nous avons cru ne pouvoir jamais aimer à nouveau. Et s'il est vrai que le parfum du Lilas est semblable à une partition musicale, nous pourrions simplement, écouter de cette musique qui nous semble harmonieuse.
La Châtelaine du Vetiver
L'huile essentielle du Vétiver est utilisée dans la confection de nombreux parfums, fréquemment masculins. Je trouve, dans cette odeur, une émotion poussiéreuse, ancienne, bourgeoise. Quelque chose qui rappelle certaines eaux de parfum de dame âgée. Cette huile-là ne s'écoule pas avec générosité. Son goutte-à-goutte est lent et âpre. Il laisse des traces épaisses, cristallisées. Cunningham souligne que cette plante entre dans la composition de charmes destinés à attirer l'argent ou à se prémunir contre le vol. Elle augente également, dit-il, le pouvoir de séduction. Raison pour laquelle on la retrouve souvent dans la composition de parfums, j'imagine.
C'est pourtant sous son apparence aisée et riche que son esprit se manifeste à moi, en ce jour de la Saint-Nicolas, en 2014. Je suis dans un train. Je me rends à Bruxelles afin d'y fêter l'anniversaire d'un ami. Je débouche le flacon d'huile essentielle et je me laisse aller. Je vois alors l'entrée d'un de ces parcs à la française. Les grilles s'ouvrent en grand et je pénètre dans une allée assez large. Très vite, je me trouve au-dessus de l'escalier qui conduit au château. Mon attention est attirée vers une statue de marbre blanc, qui semble représenter un personnage connu. L'ange de la Tempérance. La fameuse carte du tarot qui d'un vase semble verser un liquide vers un autre vase. A l'inverse du personnage de l'étoile qui verse l'eau dans une rivière. Les portes du château me resteront fermées. C'est dehors que la châtelaine me reçoit, en haut des marches, couverte de son manteau de fourrure blanche. Non, elle ne m'ouvrira pas davantage les portes de son intimité. J'ai assez vu. Je sais à présent tout ce qu'il faut savoir sur elle.
Le Vétiver attire ainsi mon attention sur un aspect de sa magie. Il n'est pas généreux. Son don est âpre, parcimonieux. Il se mérite. « C'est vrai, je ne donne qu'à ceux qui le méritent », me souffle la châtelaine. Si le Vetiver protège contre le vol, tout cela a un sens. Le vol, c'est acquérir le bien d'autrui sans le mériter. La sagess de la plante peut paraître fort matérialiste. Celui qui est riche l'est parce qu'il a travaillé pour cela. Et qu'il n'a pas dilapidé sa fortune. Je vois le Vetiver marcher aux côtés de celui qui sait fort bien ce qu'il possède. Qui sait comment utiliser son argent à bon escient. Sans largesses excessives. Sans le perdre. S'il le dépense, il investit plutôt que de le laisser s'envoler en fumée. Il n'est pas du côté des pauvres, je le crains. A moins qu'ils ne travaillent d'arrache-pied pour gagner de l'argent, auquel cas, il peut, effectivement s'avérer être une aide fabuleuse. Il n'est pas dans le don, mais dans l'épargne. Il n'aide pas la dépense futile mais bien l'investissement. Il favorise les transferts d'argent, il les protège, il les surveille. Je crois qu'il peut être d'une aide considérable pour ceux qui ont du mal à gérer leur argent. Il peut les conseiller. Il tempèrera celui dont la générosité est excessive. Ne croyez pas néanmoins qu'il soit radin. Cela n'est pas le cas. Au contraire. A l'image de la Tempérance, il sait que tout est question d'équilibre. Il ne s'agit pas de verser son eau dans la rivière mais simplement de la changer de vase. En finances, on appelle cela « investir » !
La Myrte ou que protège le dragon ?
Avant même de commencer la méditation qui devait me conduire vers la Myrte, je ressentis le besoin impérieux d'allumer une bougie, comme si la plante elle-même m'y invitait avec insistance. Pourtant, Cunningham la dit plutôt liée à l'eau, ce qui m'étonna. Le personnage qui se présenta d'emblée était un vieillard habillé de blanc, barbu et chevelu, précédé d'un bâton imposant. Il avançait, prudent, sortant d'un village aux ruelles rocailleuses, sur un sentier gravissant la montagne aride de roche blanche. Un dragon se présenta alors, à qui le vieillard montra son bâton afin de le tenir en respect. « Je suis là, murmurma ma conscience, dans ce combat perpétuel entre l'homme et la nature ». Je demandai quand et pourquoi ce combat a lieu. « Quand la nature est en colère », fut la réponse. « Elle se manifeste alors bruyamment ». Et que fait-on pour la calmer, demandai-je encore. « Ce que l'on fait pour calmer une maîtresse en colère ! On l'épouse ! ».
Je vis encore d'autres choses. Une salle majestueuse, dorée, remplie de fontaines, de bassins, de jeunes filles fôlatrant au pied d'une statue que je ne perçus pas. Etait-ce une divinité courroucée ou au contraire un esprit de la fertilité ? Je n'en sais rien. Quelque chose me dit qu'il s'agissait un peu des deux.
La Myrte était jadis nommé « arbre d'amour ». On faisait appel à ses pouvoirs afin de maintenir l'amour intact lors d'un mariage. On l'associait aussi à la pureté, à l'innocence. On prétend qu'Aphrodite, une fois créée sous ses traits de belle et jeune femme nue, se protégea dans un buisson de Myrte. Il y a donc bien un symbolisme de protection. « Que fait-on pour calmer une maîtresse en colère ? On l'épouse ! ». Epouser la nature, n'est-ce pas particulier comme concept ? A chaque fois que l'homme viole la beauté ineffable trouvée dans la nature, qu'il perturbe le travail d'un elfe, installe sa maison quelque part sans demander la permission, à chaque fois qu'il griffe Aphrodite, au lieu de la chérir et de la protéger, il provoque la colère de cette maîtresse qu'il bafoue et qui l'acceuille pourtant contre son sein avec tellement de bienveillance. Epouser la nature, n'est-ce pas : lui demander son avis ? La nourrir ? La protéger ? Enfanter avec elle ? Cocréer avec elle ? Prendre la terre en épousaille, lui prodiguer de l'amour, lui demeurer fidèle sans la trahir. Quel défi ! Quelle gageure ! Je crois la Myrte présente au coeur de ce néant qui nous sépare parfois de cette Mère qui nous porte. La Myrte observe la colère monter et voit l'homme brandir son bâton, tandis que le dragon crache ses flammes dans la fournaise de sa terreur. Et là, contre toute attente, elle murmure son précieux conseil, inaudible pour bien des humains : « Epouse-la. Epouse donc la Nature. Sois un ami, un mari pour elle. N'en as-tu pas assez de souiller sa beauté ? Cesse-donc de la violer. Considère-la comme ton épouse. »
N'existe-t-il donc pas de conte de fée ou un dragon protège un trésor, ou une femme enfermée ? Et si ces contes étaient une allégorie de cette relation passionnelle entre l'humain et la terre qu'il habite ?