La Chronique des Faunes - les gardiens du jardin ondin

Le jardin dont je suis un des faunes est rempli de bassins, de cascades, de chemins d'eaux et de tonneaux. Les humains qui y vivent aiment la fraîcheur, les gouttes, les ruissellements et les murmures ondins. Ici, par exemple, vous voyez mon reflet dans un bassin colonisé par le peuple des algues. Vous ne me voyez pas ? Mais si, regardez bien, cherchez la corne et vous me verrez ! Elle est juste en-dessous de la boucle. Et si vous regardez mieux, vous verrez même le smart faune. L'eau est un monde enchanteur. Plein de reflets, d'images, de tourbillons et de langueurs.

D'autres gardiens peuplent le jardin. Bien sûr, les chats, les campagnols, les crapauds, les salamandres et rats des champs y foisonnent déjà. Mais ils ne sont pas les seuls. Il y a l'Homme Vert aussi. Il a deux masques dans le jardin, ce feuillu-là. Tous les deux viennent d'Angleterre. L'un des deux est énorme. C'est celui que je bécote ici sur la photo. Vous voyez comme son nez est immense par rapport au mien. L'autre est plus petit et garde l'entrée de la maison. Parois, Iver le sage va discuter avec eux. Ils ont ensemble d'étrange conversations philosophiques. Je ne les écoute que de loin car je ne comprends pas tout. Il y est souvent question des missions de la grande tribu verte en ce monde. 

Sur une pilasse en marbre, tout au bord, du chemin d'eaux, se trouve également un autre personnage. Un autre gardien. Couvert de mousses et de géranium sauvage. C'est celui-ci. Je l'aime beaucoup car il a également une corne sur le sommet de la tête. Une corne unique mais bon, c'est déjà mieux que rien. Il parait que ce n'est pas vraiment une corne mais plutôt un pisitil. Bon, admettons. Il n'empêche que je l'aime beaucoup. La matière froide et dure de son argile cuit il y a une quinzaine d'années. L'abri discret, bienveillant et sauvage qu'il a offert à des plantes minuscules certes mais bien vivantes.

Ce sont les seuls gardiens visibles aux yeux des gens. Moi, je ne suis qu'une ombre entraperçue. Un grésillement dans le feuillage. Un murmure sous une pierre. Un clapotis dans le bassin aux poissons. Parfois, aussi, je suis une silhouette sur un mur. Des poils dressés. Un museau sombre. Des lèvres noires. Le souvenir d'un cri rauque, inattendu, même pas identifié. La trille d'un merle. Le mouvement d'un poisson.

Et si vous êtes très attentif, vous sentirez peut-être mon bisou cornu.