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13 octobre 2014

Le jour où Urbain s'est coupé les cornes

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C'était au XIXème siècle, je ne me souviens plus trop de la date. Et ce fut un terrible événement. Plus terrible encore pour nous que s'il était mort.

Certains d'entre vous connaissent peut-être cette peinture réalisée par un humain. Une locomotive y traverse, hurlant, fumant, une campagne qu'elle semble conquérir. Dans un coin du tableau, minuscules, on perçoit une famille de faunes, terrorisés. C'est le symbole parfait de ce que nous autres, faunes, avont vécu à l'époque. Et que nous vivons encore.

D'abord, la religion a fait de nous des diables. Mais c'était il y a plus longtemps.

Puis, la science a renié notre existence.

Enfin, la révolution industrielle a battu la campagne.

Nous avons contemplé, terrifiés, ces hordes de fer, ces montagnes de béton, coloniser le sol et meurtrir la terre mère. Nous avons vu des fumées noires jaillir de gueules qui n'étaient pas celles de dragons.

Aujourd'hui, rares sont ceux qui nous recherchent encore, dans la clairière d'un bois. Rares sont ceux qui réclament nos présences. Encore plus rares sont ceux qui n'ont pas peur de nous. Après nous avoir aimés, nous avoir parlé, avoir joué avec nous, traversé la nature avec nous, l'humain a pris peur de nous. Puis, il a tout simplement renié notre existence. Nous lui sommes totalement invisibles désormais. Même pour ses yeux de l'âme.

Alors que nous contemplions, effarés, les villes grossir autour de ces rivières où nous dansions, jadis, je sentais mon frère Urbain... trembler. Il n'a jamais été un faune ordinaire. Je dois l'admettre. Les humains l'ont toujours fasciné. Au point qu'il préférait souvent danser avec l'un d'eux plutôt que de veiller sur un troupeau de chèvres, accompagner une biche ou bécoter une nymphe. Il aimait les humains. Il les trouvait émouvants, attachants ; il adorait les observer. Parfois, il se glissait à travers une fenêtre ouverte et s'allongeait dans la chaleur d'une jeune fermière, profondément endormie, sans que celle-ci ne s'aperçût de sa présence.

Quand les locomotives et les usines sont devenues aussi grandes que des forges infernales, c'est nous qui avons pris peur. La démesure de l'être humain nous effrayait. Urbain, lui-même, ne les comprenait pas. Où étaient passés les paysans qui accrochaient des rubans à ses cornes en les prenant pour des branches ? Où étaient les puceaux qu'il aimait fleuretter ? Les dames qui se livraient à ses joues embrasées et à sa barbe ardente ?

Nous y étions. L'homme s'était complètement détourné de la nature.

Il ne vénérait plus que ses tours recouvertes de suie, crachant les flammes et la fumée sur des villes toujours plus grouillantes. Il sortait de chez lui, fatigué, alors que le soleil n'était même pas levé. Il gagnait des chemins trébuchant de pavés et se laissait conduire vers les usines. Des usines qui semblaient juste dressées pour l'avaler et puis le recracher, 12 heures plus tard, fourbu, assommé, affamé même, souvent. Qu'y faisait-il ? Il fabriquait des objets métalliques, triait des pièces, produisait, produisait, produisait. Pourquoi ? Nous ne le savons pas. Plus jamais, il ne venait se prélasser sur les rives chantonnantes, dans la fraîcheur des bois et le rire des prairies.

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Urbain, lui, mon frère de faune, était totalement terrifié. Et triste à ne plus en savoir pleurer.

Puis, un jour, il commit cet acte effrayant.

Il se coupa les cornes.

Ce fut un choc pour nous. C'était comme s'il avait renié sa nature de faune. Comme s'il était devenu humain. Comme s'il était mort.

Il ramassa alors dans une ruelle un chapeau claque. Un bourgeois, qui sortait d'un joyeux bordel, l'avait laissé tomber, tout soûl et enviré qu'il était de plaisirs. Urbain prit le chapeau, symbole de la folie humaine. Il y greffa ses cornes et s'en coiffa. Avec ce chapeau, il allait pratiquer une magie différente de celle que nous autres, faunes des jardins et des bois, nous pratiquons.

Plus jamais, Urbain n'a cogné avec moi sur les arbres pour que les feuilles en tombent, l'automne venu.

Plus jamais, il n'a accroché de fleurs à ses cornes pour appeler les ivresses du mois de mai.

Plus jamais non plus, il n'a frappé le sol en hiver, en le martelant à coup de sabots, pour que la sève remonte.

Plus jamais, il n'a séduit de paysanne.

Et le peuple animal n'a pas davantage bénéficié de sa protection.

Non. Avec son chapeau claque, sur lequel il avait greffé ses cornes de faune, il allait amener sa magie...dans cette ville-même qui nous faisait si peur...

Avec lui, c'était le monde des faunes qui allait entrer dans la ville...

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Commentaires
A
J'aaadore !!! Merci de l'avoir écrit ! <br /> <br /> Ca me fait penser à cette chanson (bien que le sujet en soit décalé)... que voici en remerciement de cette belle histoire (et de la découverte du site !) :<br /> <br /> https://vimeo.com/7187435
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