Le gardien - l'Orme

L'Orme qui pousse dans mon jardin est un arbre pleureur. Longtemps, j'ai apprécié méditer à ses pieds, le dos collé au tronc, protégé des regards par l'ombrelle de ses fleurs. Puis une vague de chaleur lui pela la moitié du train et décima du même coup une bonne part de ses branches. J'en fus cruellement attristé. Puis, l'année suivante, un rejet apparut à la base de son tronc et un autre arbre finit par jaillir, aujourd'hui aussi grand que le premier. A cette différence notable cependant : ce petit frère n'est pas pleureur du tout. Il pousse bien droit comme s'il avait perdu cet attribut physique.

 J'ai laissé quelques fleurs macérer dans de l'huile végétale. Celle-ci évoque une odeur animale, masculine, presque guerrière. Le jour où je me décidai à rencontrer l'orme en esprit, les étapes de relaxation et d’harmonisation des chakras furent marquées par l’image d’un cobra et par celle d'une souris.  Les yeux fermés, je laissai se diluer l'image de mon orme et le laissai me conduire dans son monde.

 J'aperçois tout d'abord une petite maison de pierres, perdue dans la forêt. Des pierres irrégulières, grises et brunâtres, dont certaines sont couvertes de mousse. La maison est plate, le toit pentu est vert et recouvert d’ardoises moussues.  Aucune fenêtre ne perce les murs mais une porte, verte également, s'ouvre sur un intérieur ancien, qu'il serait difficile d'associer à un temps de l'Histoire. Le personnage qui m'accueille est un hibou. Dès mon arrivée, celui-ci prend forme humaine. Devant moi se dresse alors un personnage tout en hauteur, vêtu d’un long manteau rouge sang. Divers insectes s'affairent dans la maison, des coléoptères, des scarabées, sans que cela ne semble le déranger. C'est la bougie qui, la première, m'informe que je suis sorti de la réalité ordinaire. Si elle ressemble à un morceau de bois tordu, sa flamme est verte, d’un vert émeraude à la base s'éclaircissant vers le sommet. Elle évoque une feuille car elle parcourue de nervures. On pourrait la décrire comme une feuille lumineuse, bien qu'il s'agisse d'une flamme. Le personnage tient entre ses doigts griffus une coupe plate emplie d'un liquide au rose violacé. Le liquide est transparent. Les lèvres de mon âme n'y perçoivent aucun goût. L’image qui surgit alors dans mon esprit est celle d’une pointe de grillage, comme une fleur de lys noire. Elle se découpe sur un fond rouge-orange flamboyant. Dans un livre s'étale le dessin d’un homme cornu dont les ramures sont des branchages plutôt plats et mous. Un peu comme s'il portait sur sa tête les armes d'un élan. Le dessin semble avoir été réalisé au crayon. En guise de remerciement, j'offre au personnage un heaume dont le sommet est un scarabée.

 De nombreux symboles solaires et lunaires se mélangent dans cette méditation. Le personnage a un manteau roug (soleil), mais une tête de hibou (lune). Le liquide rose (féminin) fait jaillir une image masculine, la pointe de la fleur de lys. Interpénétration de symboles masculins et féminins. Cependant, on est dans un registre qui concerne clairement la notion de vie et de mort. Le manteau est rouge sang. Le sang est la vie, bien sûr, mais il est également la mort. Le scarabée, lui, est une figure solaire chez les Egyptiens. Poussant sa boule devant lui, il est symbole de création et de croissance. Donc de vie. Mais cette boule est faite d’excrément, donc de mort. Il symbolise également l’ordre et la justice de par le fait qu’il donne une forme à une matière informe. On sait justement que l’Orme est aussi perçu comme un arbre de justice. On rendait la justice à ses pieds. Pourquoi ? Peut-être justement parce qu’il se trouve à la frontière de la vie et de la mort, du bien et du mal. Il est hybride et contient les deux sexes en lui. Les deux polarités sont en lui.

 Le hibou détient un savoir occulte. Appartenant au monde de la nuit, il est parfois perçu comme un messager détenant des clefs de compréhension de l’au-delà. Il permet le passage d’un monde à l’autre, d’une polarité à l’autre. Tout comme l’Orme le permet. La pointe de la grille est noire. Elle est un symbole agressif et en même temps de protection. L’Orme est un arbre de protection. Il a le pouvoir d’éloigner la maladie, ne l'oublions pas. Justement, la lumière de la bougie est verte, symbole de guérison. L’heaume aussi est un symbole protecteur. Etrange que le mot ressemble tant à « orme ». Qui lui-même est si proche du mot « ordre ». Tant il est vrai qu’il faut se sentir en sécurité pour atteindre l’équilibre. En anglais, orme se dit « Elm » qui est étrangement proche de « helmet », le casque. Ce ne peut être un hasard. L'Orme est un arbre protecteur. C'est vraisemblablement un des ses fondements.

 Le fait même que la bougie a une flamme en forme de feuille montre l’importance que l’Orme joue dans le monde végétal. Contraste avec l’odeur animale de son huile brûlée. Comme si l’orme était également à la frontière entre le végétal et l’animal.

 L’orme est donc un arbre intermédiaire. Il assure protection et équilibre. Il est une aide en cas de choix. C’est une porte ouverte entre les mondes. Un symbole de justice. Il permet de trouver le juste équilibre en toute chose. Il peut sans doure aider aussi à la réception ou la transmission de messages entre ces deux réalités. S'il faut absolument lui associer une divinité, je pencherais pour Athéna.