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26 février 2016

La tribu d'insectes du Cajeput

L'huile essentielle de Cajeput m'évoque le parfum de l'Eucalyptus. Une odeur verte, grenue, mêlée d'orange, de jaune, voire même de pourpre. Me connectant à la plante, le premier ressenti est celui d'une terre désertique, poussiéreuse, sur laquelle avance lentement une femme d'âge mûr à la peau burinée par le soleil. Elle est couverte d'étoffes chamarrées fouettées par le vent. Du pied, elle trace des cercles, comme si elle dialoguait avec la terre. A moins qu'elle n'en enlève du feuillage, des herbes mortes. Sa peau est recouverte de tatouages légers.

Puis m'apparaît le visage ridé d'un aborigène. Des peintures claires le recouvrent. Le vieillard est assis. Silencieux. Plongé en pleine méditation. La sensation me vient que je suis ce vieillard. Qu'il m'est possible d'atteindre le même niveau de paix que lui. Je me relie avec une rare aisance. Dans ce paysage désertique, je sens le vent. La zébrure, le lacet, le fouettement du vent. « la terre est la peau de la mère », entends-je. Le vent la lave, la purifie, la nettoie. Autant que l'eau, mais pas de la même manière. Ce sont les pensées et les mots qu'il enlève, qu'il détache de la peau de la mère.

Soudain, je me sens recouvert d'insectes. Entièrement. J'en ai sur tout le corps. Ma peau grouille de ces corps minuscules. Je sens leur vrombissement, leur bourdonnement. Tout un peuple d'insectes me recouvre, me nettoie, me gratte, pour finir par s'envoler aussi brusquement qu'il n'était atterri sur moi. Le vieil aborigène me sourit.

Quelle magie vient-elle de s'opérer là ?

La peau. Elle est extraordinairement présente au cours de ce contact. Elle est couverte de tatouages, aussi bien chez la vieille dame que chez le vieil homme. Elle est lavée par les insectes dont la tribu lui sert de protection avant de la libérer. Puis il y a également la peau de la terre-mère, ce sable brun dans lequel la dame couverte d'étoffes trace des cercles. Un tourbillon de motifs pourpres et bleus se lève droit devant moi. « Renouvellement. Renouvellement. » Et ce son, martelé, régulier. Oooooouwa.Oooooouwa.

Parcourant mes livres à la recherche du Cajeput, j'en découvre la présence sur les terres australiennes ainsi que l'action bénéfique sur diverses affections cutanées, bien qu'il faille toujours l'utiliser en la mélangeant à de l'huile végétale. La littérature est assez peu loquace le concernant, en tout cas sur le plan de la magie, de la mythologie ou de la symbolique. L'huille essentielle de Cajeput est citée comme huile de protection à différents endroits du web, sans qu'on ne précise néanmoins en quoi. Pourtant, cette carcasse d'insectes qui m'a soudain recouvert n'est-elle pas protectrice à sa manière ? Il convient, je crois, d'en préciser la portée. Paisible, figé au milieu du désert, le vieil arborigène est nu à la pensée. Aucune pensée, aucun trouble, aucun souci, ne se fixe à lui. Et si des larves astrales sont attachées à nous, la tribu d'insectes qui lui est liée, vient s'en nourrir, les transformer, nous en laver.

Et si, au fond, le Cajeput, nous protégeait de nous-mêmes ? Des pensées parasites qui nous empêchent d'atteindre la paix ? S'il nous libérait, finalement, de nos obsessions ? Ou des idées imposées par d'autres, qui ne sont pas les nôtres et qui n'ont pas à l'être ? S'en libérer, c'est s'ouvrir à un nouveau jour. Un renouvellement.

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