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15 janvier 2016

Le vieil homme et la mer - le Céleri

Au tout premier abord, l'huile essentielle de Céleri dégage une odeur grasse et brune, doucement chocolatée, mais dans laquelle se niche un souvenir qui jaillit aussitôt du plus profond de ma mémoire : le goût du sel de céleri. Cet aromate dont je badigeonnais, enfant, les dés de fromage, lorsque nous recevions du monde à la maison. Cette odeur du même coup m'évoque la fête et une certaine euphorie du soir. Pourtant, cette évidence m'est totalement personnelle et ne rejoindra pas forcément le vécu d'autres personnes. Je m'enfouis plus profondément dans ce parfum et j'observe. Je me sens transporté dans une énorme barque d'un bois très sec, très pâle. Une grande embarcation, vraiment. Sous laquelle je ressens le roulis de la mer. Un vieil homme m'apparaît. Tout barbu de gris et de blanc. D'une barbe longue, épaisse, qui mange ses rides et ses yeux effilés en amande, presque aveugles. L'homme se traîne dans les dunes. Un sentiment d'aridité, de sécheresse me prend à la gorge. Le céleri est filandreux. Une filandrosité pareille aux chevelures des dunes. Des cheveux secs, salés, d'une végétation décrépite, tortueuse. De nombreuses ramures me traversent l'esprit toutes aussi effeuillées les unes que les autres. Et cette phrase, également : « qui s'en va sur la mer, ne perçoit pas les arbres ». C'est évident, quand on y songe. La mer n'est pas cette terre fertile où la végétation abonde, dans les plus majestueuses des canopées. On pourrait rétorquer que les algues sont les arbres de la mer. Je crois toutefois qu'il n'en est rien. Ces deux mondes-là sont bien distincts. Seules quelques espèces acceptent l'eau de mer dont elles encroûtent leurs feuilles à la manière des tamaris. Mais pour la grande majorité des arbres, la mer est plutôt une ennemie.

Le nom de l'Ankou surgit dans mon esprit et les nombreuses images qui lui sont associées se bousculent en moi. Le personnage mythique de la Bretagne parcourt les landes et les côtes desséchées, munis de sa charette, avertissant les âmes de leur départ prochain vers l'autre monde.

Bien sûr, je sais que l'Ache des Marais est le lointain ancêtre du Céleri cultivé. Ils n'ont toutefois pas le même parfum. En tout cas pas exactement. Il est probable aussi qu'ils n'ont pas la même âme. L'Ache des Marais m'était apparu dans sa foisonnante abondance, sa forte végétation humide, dans l'exubérance toute en tiges et en feuilles de l'homme vert. Le Céleri, lui, m'apparaît comme une moisson de brindilles desséchées, de ramures mortes, de branchages tortueux.

Pourquoi ?

A l'exéburance végétale de l'un répond l'aridité de l'autre. Cela m'étonne. Ca m'interpelle. Le Céleri sauvage témoigne du visage ébouriffant de verdure d'une nature sauvage et profonde. Le Céleri cultivé en montre un avatar quasi morbide. Etonnant !

Le paysage qui m'est montré ici est résolument maritime. A bien y réfléchir, l'ache des marais apprécie également les sables des marécages. C'est toutefois justement sur ce sable que le Céleri attire mon attention. Le sel. La dune. Son monde aride battu par les vents, encroûté. Barrière sauvage entre la terre fertile et la mer agitée. Les plages sont, il est vrai, une porte entre deux mondes totalement distincts. C'est tellement évident qu'on n'y songe même plus. S'il fallait donc tirer du céleri un enseignement, quel serait-il ? A l'exubérance végétale répond l'aridité des mers ? L'eau elle-même possède un visage double : l'eau douce et l'eau salée ? Peut-être le Céleri est-il mon messager tout personnel de cet univers-là : la mer. La mer salée et imbuvable. La mer avec laquelle on aurait tort d'arroser les plantes. La mer écrin d'une autre végétation, différente, oubliée. Celle des algues et du plancton.

Je laisse marcher doucement le vieillard tout barbu de gris. Il porte trois cloches. Trois. De quoi sonne-t-il l'alarme ? Lui seul le sait. Quoique... Il me souffle ses murmures... De quel sable stérile nous sommes-nous constitués prisonniers ? Qu'avons-nous empêché de pousser ?

Et là, soudain, m'apparaît la réponse. Et si j'avais malgré moi étouffé la joie de l'enfant qui aimait tant les dés de fromage recouverts de sel de céleri...

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