Mère Lavande

J'ai déjà parlé de la lavande l'an passé, lors de mon billet du 15 août. Je n'avais toutefois pas abordé cette plante magnifique par le truchement de son odeur. Je dirais du parfum de la Lavande qu'il est fait d'une matière huileuse, épaisse, légèrement granuleuse et d'une couleur gris mauve. Le nez s'y habitue très vite et finit par ne plus trop le percevoir.

Le parfum de la Lavande me ramène 3 dizaines d'années en arrière, quand je le découvris, enfant. Je l'associe, comme des millions de gens, aux vacances, à la chaleur, au soleil. Il m'évoque les coussins provençaux et les marchés. La propreté. Une certaine forme de gaieté également. Si la lavande était un meuble, j'affirmerais qu'elle est un lit. Elle m'appelle à la sieste, au repos. La respirer me fait sourire et me rassure. La Lavande a quelque chose de maternel, de rassurant. L'olfactothérapie semble d'ailleurs la lier à l'archétype maternel. Après tout, le 15 août, moment de sa récolte et de sa célébration dans certains villages de France, n'est-il pas jour de l'Assomption ? Avec la Lavande, on entre dans la paix. Paix avec soi. Avec les autres. Avec sa mère aussi, sans doute. Peut-être même avec la Mère tout court. Elle invite en tout cas, si on en croit certains olfactothérapeutes,  à questionner le rapport que l'on a avec sa mère.

La mienne fut protectrice, angoissée, ronchonne, mêle-tout, chiante, pessimiste et avait horreur de cuisiner. Mais c'est ma mère. Et elle est comme le fut la sienne... quoique la sienne aimait bien la cuisine. De sorte que je ne sais même pas si une mère peut être autrement qu'angoissée, chiante et pessimiste. Ce que je sais par contre, c'est que derrière ses angoisses, ses attentes, ses râleries, ses questions se cache la forme maternelle de l'amour. J'ai eu une mère qui a tout affronté. Sa maladie et celle des autres. Les bouffonneries d'un mari volage. La solitude. La vieillesse de ses proches. Elle s'est occupée plus des autres que d'elle-même. J'ai eu une mère affreusement maniaque, beaucoup trop attentive selon moi au regard des autres. Une mère qui, quand elle découvrit que son fils était gay, a admis : "je ne connais rien des homosexuels". Alors, elle s'est renseignée. Elle a lu. Elle qui déteste les livres. Elle a regardé des émissions, elle qui ne regarde que des téléfilms français. Elle a digéré. Admis. Réfléchi. Quand je lui présentai l'homme de ma vie, elle m'appella quelques minutes plus tard alors que j'étais dans le bus et me dit, toute heureuse : " celui-là, il est bien. Ne le lâche pas ! ". Ma mère ! Droguée au chocolat. A la framboise aussi, qu'elle achEtait et mangeait toute l'année, à n'importe quel prix. Ma mère, entourée de chats. Le dernier qu'elle a eu lui a causé tant de peine quand il mourut qu'elle n'en a plus jamais pris un seul. Ce qui ne l'empêcha pas de nourrir tous les chats du quartier et de grossir une collection impressionnante de figurines félines. D'ailleurs, en parlant de chat, j'ai toujours trouvé que le parfum de la Lavande tenait de la pisse de chat, ce qui est, je le sais pertinemment, totalement faux. C'est juste que cela me fait penser à cela. J'ignore pourquoi. A moins que... En olfacto, on dit que la Lavande vous met devant l'image de votre mère. Ma mère...Dingue des chats. D'ailleurs, mon père l'appellait comme ça : "mon petit chat." Non, forcément, il n'y a pas de hasard. La Lavande est Mère, c'est ainsi. Et quand je me souviens de la mienne, je vois d'abord des chats.