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10 avril 2015

Malaimé - Le Pissenlit

Pissenlit

Avec le mois d'avril, les pelouses se parsèment de ses boutons dorés. Il attire les jurons des jardiniers qui l'exècrent. Coupez-le, il revient. Arrachez-le, il s'en tamponne. Il est la quintessence de la persévérance, voire de l'obstination. S'il veut marquer vos terres de sa présence, il le fera. Si vous manquez d'enracinement, s'il vous arrive de vous sentir "désincarné", méditez avec lui. Ne le boudez pas. Mangez-le. En beignet, il est délicieux. Son aide est efficace, ne la repoussez pas. Le Pissenlit est ce bouleversant malaimé dont la sagesse nous est pourtant précieuse.

Un jour de 2008, je m'approchai de lui. Je l'observai. Je le goûtai. Ses fleurs sont curieusement sucrées mais la tige, dont tout le monde connaît le suc laiteux, est amère. Son goût lui ressemble, finalement. Doux amer. Fondamental et détesté. Les choses les plus essentielles ont tendance à nous dégoûter, c'est étrange. J'observai le suc de la tige. Cette sève blanche, curieusement attirante. Lait ou sperme ? Va savoir. Il ne le dira pas.

Lorsque je rejoignis l'esprit du Pissenlit, il m'accueillit dans sa demeure totalement incroyable. Elancée, tortueuse, ses fenêtres n'étaient pas des fenêtres mais des yeux. Tantôt ouverts, parfois fermés. La bouche elle-même était une porte. Enfin non, l'inverse ! La porte du temple où il me fit entrer était une bouche. Pour y accéder, il me fallut franchir un pont surplombant des douves d'une effrayante profondeur. A l'intérieur, un vieil homme m'accueillit. Un vieil homme nu. Sa barbe, très longue, camouflait l'essentiel de son corps. Des femmes dansaient autour de lui. Une danse sans rythme. Chaotique. Disgrâcieuse. Et toujours ces fenêtres paupières qui s'ouvraient, se fermaient, se rouvraient à nouveau. Jeu étrange de nudité et de travestissement, de voyeurisme et de refus de voir, de ce qu'on cache et de ce qui est montré. Fascinant. Suffoquant. A la limite de la nausée. L'intuition me toucha que le Pissenlit pose en fait une question. Que veut-on révéler ? Que veut-on au contraire dissimuler ? Qu'accepte-t-on de voir ? Que préférons-nous ne pas voir ? Il arrive que l'on boive une infusion de racines de pissenlit afin de stimuler la vision parapsychique. La vision, encore et toujours la vision. Etrange siècle de l'image.

Le personnage alluma une bougie parfaitement étrange. Deux yeux d'insecte apparurent sur la mèche (à nouveau une allégorie de la vision). Ils étaient surmontés d'une sorte de tirette (que cache-t-elle ? Que peut-elle montrer si on l'ouvre ?). L'énergie créatrice, transformatrice du Pissenlit m'apparut dans sa fulgurance et sa rapidité. Quand la flamme enfin s'alluma, elle n'avait pas la forme qu'on lui connait généralement. Elle était ronde. Sphérique. Elle s'ouvrit sur des papillons qui s'envolèrent tout aussitôt. Ils disparurent dans l'instant, devenus invisibles.

Par terre, une coupe était posée. Elle n'était creuse en aucun cas. Bien au contraire, c'était une sorte de plaque recouverte d'un liquide laiteux aussi blanc que le lait qui s'échappe de la tige du Pissenlit. Je contemplai sa texture granuleuse, en quoi il différait de la sève de la plante. Je le bus. Un miroir m'apparut avec des yeux de loup. Et ce murmure au fond de moi : "vois-toi tel que tu es." Comment ? Mais je ne suis pas un loup. Je suis un crapaud verruqueux, une rainette amoureuse des arbres. "Tu le dis ! Mais quel malaimé es-tu ?" Bien ! Un crapaud, ce n'est déjà pas mal, il n'attire pas le glamour non plus. En quoi le loup serait-il ma part d'ombre ? Silence.

La sphère mentale du Pissenlit allait, je le savais, se manifester dans le livre. Il arrive que rien n'y soit écrit. Cette fois, une tête de chèvre se dessinait, accompagnée d'une phrase : "je suis le vent, je suis la vie". C'est vrai ! Certains chargent des aigrettes de pissenlit avec de douces pensées pour les disséminer sur le monde. Le Pissenlit partage les idées. Il leur sert de véhicule. La magie de cette plante se diffuse par le vent.

Par ces images, je compris une partie de ce que le Pissenlit EST. Un sage déconcertant et dérangeant. Le maître zen qui vous cogne son bâton dans le dos pour éviter de vous assoupir. Il ouvre les yeux sur l'invisible, sur ce que l'on souhaiterait garder caché, ce qu'on préférerait ne pas voir. La sagesse de cette plante dorée nous invite à accepter notre part d'ombre, à regarder les choses en face, à débusquer ce que nous souhaiterions, parfois inconsciemment, travestir. Demandons-nous pourquoi certaines vérités doivent être tues. Est-ce le cas ? Qu'arriverait-il si on en parle quand même ? Si le caché devient montré ? Les souvenirs enfouis reviennent toujours à la surface. A la manière du Pissenlit. Il revient chaque année. Par sa forme solaire, il reconduit à la lumière ce qui était dans l'ombre.

Il est fort simple de s'unir à l'esprit du Pissenlit. On peut commencer par visualiser ce qui pour nous symbolise le malaimé, l'exclus, ce qui dérange. On peut tout aussi bien identifier de quelle exclusion on est soi-même la cible. Méditer sur sa part d'ombre. Vous savez ? Celle que l'on voudrait justement ne pas avoir à affronter. Celle que l'on cache. Qu'on maquille. Pourquoi ne pas charger une boule d'aigrettes de pissenlit de pensées d'amour pour ces exclus justement et les souffler ensuite dans le vent ?

A la manière du Pissenlit, qui, souvenons-nous en, revient toujours, il est bon également de se montrer persévérant dans un projet. Contre vents et marées. Pour une fois, donnez un billet au SDF qui se tient au coin de votre rue. Celui que vous préférez ne pas voir. Que vous croisez chaque matin en détournant les yeux. Le SDF est un expert du sentiment d'invisibilité.

"Toi qu'on tue, toujours tu reviens. Toi, l'exclus, toujours en chemin. Toi dans l'ombre, sois le bienvenu !" Telle est l'amère sagesse sucrée du Pissenlit.

 

 

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