Huile de la Reine des Glaces

Un jour, je cherchai à créer le parfum de la Reine des glaces... J'imagine aisément son palais, scintillant de blancheur, aux murailles translucides, aux dômes couverts de neige. Mais quels rubans d'odeurs y pendent-ils aux fenêtres ? Quelles sont les senteurs qui y dansent quand, à la nuit tombée, la reine y conduit ses bals somptueux ? Je m'attendais au Pin, à l'Eucalyptus, à toutes ces essences qui conservent leur feuillage en hiver. Encore une fois, ma raison me trompa. Et le pendule invita dans le mélange des participants pour le moins inattendus.

Dans un flacon d'huile de Rose Musquée, six plantes tournoient et se mélangent. Tout d'abord, l'Hellébore. La Grande transformatrice. La première à se réveiller quand février arrive. Elle qui supporte le poids des neiges et des frimas sans s'émouvoir. L'Hellébore sait parfaitement d'où elle vient. Ses fleurs regardent la terre en permanence, cette mère terre où la sève se condense en hiver.

Dans ce palais de glace, un regard acéré se pose sur la nuit froide. Un gardien à l'oeil vif est aux aguets en permanence. Il scrute les paysages neigeux, y décèle les ombres en mouvement. Il y cherche le danger, prêt à lancer l'alarme si l'extérieur enténébré venait à menacer les splendeurs du palais. Il s'agit du Géranium. Le guetteur. Le veilleur. Celui qui avertit la sorcière attentive quand quelque intrus s'apprête à frapper à la porte.

A ses côtés se tient le Lilas. Le fabuleux protecteur. Jadis on en coupait des fleurs pour chasser les fantômes des maisons hantées. Peu de gens s'attendent à trouver en lui un veilleur, un gardien.

Un peu plus loin, un arbre sage murmure. Le Pommier. Il veille sur les portes grandioses de l'autre-monde, cet au-delà où la sève s'enroule, pour le temps d'un hiver, comme un serpent frileux.

Mais sur le trône de glace, c'est une plante attendue qui règne. L'Immortelle. Dans cet hiver où tout paraît dormir, où les arbres eux-mêmes affichent un comas simulant la mort, elle témoigne, elle, d'une vérité que l'on oublie souvent. L'hiver n'est pas la mort. Les fantômes n'ont rien à y faire. C'est un sommeil ouaté où la neige sert de couverture et la glace de veilleuse. La Nature ne meurt pas. Elle est simplement Immortelle. Elle s'en revient, à chaque printemps, verdie et victorieuse, s'éveillant du sommeil où elle était plongée.

Pour créer le mélange de la Reine des Glaces, j'ajoute à 53 gouttes d'huile de Rose Musquée, 3 gouttes d'Immortelle HE, 2 gouttes d'Alcoolat de Magnolia (ou le mélange d'HE vu il y a quelques semaines sous le nom d'Illusion du Magnolia), 3 gouttes d'alcoolat ou d'huile de Lilas, 3 gouttes d'Alcoolat de Fleurs de Pommier (ou quelques gouttes de jus de pomme, voire de Cidre), 4 gouttes d'Alcoolat de Fleurs d'Hellébore et, enfin, 2 gouttes de Géranium HE.

En ces journées frileuses, il m'arrive de me réfugier dans le Palais des Glaces. C'est cette maison tentaculaire et mystérieuse qui en porte la signature. L'Hiver est une saison magique, pleine de lumières, de glaces, de pluies, de vents et de murmures. Toutes chandelles allumées, l'imagination y détient les pleins pouvoirs. Les contes y sont chuhotés, murmurés, déroulés. Et le rire des enfants repousse le rôdeur par on ne sait quel sortilège. Que la Beauté de la Reine des Glaces vous émerveille le coeur.