Garde l'espoir - l'arbre aux papillons (Buddleia de David)

Ce matin de Noël, j'ai ressenti un vibrant appel de cet arbuste encore vert qui pousse non loin de ma hutte. Je me suis approché de lui et ai senti confusément que je n'étais pas seul. Je l'ai senti « habité ». Ses feuilles, d'un vert blanchi, m'évoquent l'hiver tant elles sont d'une fraîche apparence. J'ignore pourquoi je ressens cette présence hivernale dans ce buisson, comme s'il y nichait une mystérieuse entité des glaces, une duchesse aux pieds nus commandant à l'hiver. Je peux même situer l'endroit où elle se cache, juste au pied de l'arbuste, là où ses différentes tiges sortent du sol. Je sens sa force partout sur l'arbre. Le matin de Noël semble être «SON » matin. Le fantôme brun d'anciennes grappes fleuries de l'été y pend encore de ci de là. Mais ce qui attire surtout mon regard, ce sont ces pelotes de fils qui sont accrochées à certains endroits. Comme si l'arbuste abritait une horde de fileuses hivernales, de tisserandes des glaces, de vieillardes tricoteuses habituées aux rigueurs des frimas et peu enclines à s'émouvoir du passage de l'hiver. Je ne sais pas d'où viennent ces fils. Appartiennent-ils à l'arbre ? Sont-ils des vestiges de passages d'insectes ? Je n'en ai aucune idée et cela m'intrigue fort.

Nulle part sur internet, je ne trouve de référence à des légendes entourant cet arbre. Ni même à un quelconque usage magique. Il n'est d'ailleurs pas originaire de nos contrées. Il vient d'Asie d'où il a été importé. Le folklore populaire n'a donc guère eu le temps d'accrocher à ses branches imagerie populaire et contes de vieilles femmes.

L'arbre aux papillons s'accomode fort bien des sols pauvres, des rocailles et des terres désolées. A tel point qu'il en est invasif, pouvant pousser à peu près n'importe où, au bord des autoroutes et des terrains abandonnés. Il peut même pousser sur des murs. Ce qui me laisse rêveur. S'il m'appelle en ce matin d'hiver, n'est-ce pas pour attirer mon attention sur ce pouvoir qu'il a de défier les éléments, la terre même sur laquelle il s'accroche ? Il tient à la vie. Il pousse, même là où aucune autre plante n'oserait pousser. Il résiste, même quand on ne veut pas de lui. Il me fait penser à ces orphelins, cabossés par la vie, brisés parfois par la maladie, mais qui continuent d'avancer, bravement, crânement, courageux.

L'arbuste a fort mauvaise réputation. On sait qu'il attire les papillons. Mais certains avancent que cela ne contribue aucunement à leur survie. Comme il pousse même dans des endroits pollués et hostiles, il les attire sur des zones dangereuses pour eux. De plus, il ne leur offre que du nectar mais pas d'abri. De sorte qu'il s'en trouve pour qualifier cet arbre de « piège » à papillons.

La présence féérique que j'ai ressentie en ce matin de Noël était pourtant riante et pleine de bonne humeur. Sa sagesse était celle de ceux qui continuent à travailler, à exister, à traverser la vie, même au coeur du chaos, même au coeur de l'hiver, même dans la désolation et l'hostilité. Peut-être est-ce là la médecine de cet arbuste trop récemment arrivé dans nos contrées pour que les sorcières et les chamanes aient tenté de le découvrir. S'il nous disait tout simplement : « tiens bon ! », « garde l'espoir ! », « ne perds pas le fil de ton histoire ! ».