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21 mars 2014

La fourrure mouillée du faune - les terres crapaudines d'Ostara

crapauds

En ce 21 mars, il pleut. Les pentes de la colline dégorgent des flots de grenouilles rousses et de crapauds communs. Quand la fin de l'hiver s'annonce, quelque chose se produit. Quelque chose d'insolite.  Comme un appel.  Et la tribu des Batraciens y répond massivement. Ils s'avancent à travers les sentes. Massifs. Patauds. Bondissant et marchant à la fois. Ils s'en vont jusqu'aux mares qui les ont vus naître. Lorsque la nuit se glisse sur les sentiers boueux, ils sont là, qui dévalent les pentes. Ils sont nichés dans les ornières, tapis au bord des routes. Des routes tueuses, surtout pour les crapauds qui avancent plus lentement. Ils sont dix, ils sont vingt, ils sont cent.  La femelle obéit à cet instinct puissant qui la conduit vers la mère eau. On la voit mal. On la confond avec les feuilles mortes qui pourrissent, les mottes de terre et les boues sombres. Elle a le ventre gros déjà des oeufs qu'elle versera dans les eaux brunes. Souvent, un mâle grimpe sur elle. Etrange accouplement. Elle le porte avec elle jusqu'aux rives qui les hèlent. De ses deux pattes avant, il s'aggripe juste sous ses aisselles. Il faut voir ces couples fabuleux. Elle, énorme, sous lui qui ne la lâchera pas. Il sera le premier. Il veut l'être et le demeurer. Il fécondera la masse gluante des oeufs qu'elle aura déversés aux lisières de l'eau brune, dans cette eau-mère dont ils sortirent un jour quand ils perdirent branchies et queues. Parfois, un autre mâle se joint au couple. Il n'est pas rare de voir cette mère fameuse recouverte de trois prétendants. Mais elle avance tout de même, répondant à l'appel de la mare. Le cri nu, inaudible, de la mère eau.

Nous avons construit des barrages et creusé des puits où ils tombent. Nous les y ramassons, en grappes. Ils ne sautent pas des mains. Ils nous regardent de leurs pupilles caprines, horizontales et noires, barrant un iris rouge cuivré. Nous traversons ensuite le chemin dangereux, chargés de leurs corps verruqueux et palpitant. Nous les relâchons au-delà, leur évitant la mort causée par les voitures. Ce sont des dizaines et des dizaines de couples crapaudins que nous portons ainsi dans nos mains protégées et mouillées pour eux. Les femelles, grosses de tous ces oeufs à pondre, poursuivent alors leur étonnant voyage. Vers l'eau mère. Que la Déesse les garde. Là, elles laisseront s'enfuir deux longs cordons d'ovules. Et les mâles, eux, y déverseront leur semence, pendant de très longues heures.

En ces jours d'équinoxe, où la lumière se mesure à la nuit, je songe aux oeufs peints des enfants. Des oeufs de poules, pour la plupart. Ou encore de canards ou bien d'oies. Les oies d'ailleurs ont recommencé à pondre. Ce sont eux qui habitent notre imaginaire quand il s'agit de fêter Ostara. Moi, en cette journée de pluie, je pense plutôt... aux oeufs crapaudins. Aux grappes gluantes laissées dans l'eau. A ces mères défiant la mort pour retourner jusqu'à l'eau qui les a nourries. Ce voyage riche de mille dangers me semble illustrer à merveille ce combat d'équinoxe entre le jour et l'ombre. Dans la lumière victorieuse de l'équinoxe de mars, des masses visqueuses palpitent dans l'eau brune et vaseuse. Elles deviendront têtards et combattront encore, dans une lutte incessante, trépidante, vers la vie.

autel d'Ostara

La pluie mouille ma fourrure. Et mes cornes, du même coup, brandissent la même lueur liquide que la peau batracienne. Je sculpte dans l'argile frais la mère grenouille, l'ancêtre crapaude, la femelle grosse de ses beaux oeufs visqueux. La fille des eaux qui passe l'hiver dans les terriers, sous les pierres, au coeur même de la terre. A quel message lunaire répond-elle lors de son voyage ? Car, oui, j'ai remarqué que c'est à la nuit de pleine lune que le peuple crapaud fut plus nombreux à circuler. Que la Déesse protège vos transhumances nocturnes, chère tribu amphibienne. Vous êtes les gardiens des métamorphoses. Les sages de la magie de l'eau. Je me ramasse à votre manière dans ma méditation et je prie pour vos vies. Je me concentre sur ma peau, encore humide de la pluie, et je respire à travers elle. Comme vous. Je vais chercher le souffle d'air, la force du printemps et je la laisse entrer en moi, par tous mes pores. Je suis crapaud. Je suis grenouille. Mes yeux observent la pluie qui tombe. Je la sens ruisseler sur moi. Eau céleste. Eau fertile. Je gonfle l'abdomen. Quels oeufs de vie ai-je envie de laisser ? Quelle semence créatrice ai-je envie de verser ? Dans quel mystère ai-je envie de bondir ? Je cueille le Magnolia. Je cueille la jeune ortie. J'acceille le forsythia luminescent de pétales jaunes. Je leur donne l'eau tombée du ciel, récoltée dans une verrine bleue. Mes poils sont tout visqueux de pluie. En ce 21 mars, je m'unis à vous autres, tribu des batraciens. La vapeur qui se verse de ma fourrure de faune n'aura jamais l'humide beauté de vos ventres mouillés. Mais je prononce des voeux de protection pour vous. Je les imprègne dans ma salive. J'en badigeonne la figurine crapaudine née de mes mains. Soyez bénis. Que la Déesse protège votre chemin.

grenouille

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